Types de contrats d'infogérance : forfait, régie ou hybride ?

Le type de contrat que vous signez détermine 80% de votre relation avec le prestataire. Et pourtant, sur les 23 contrats que j'ai audités en 2023, plus de la moitié des dirigeants ne savaient pas vraiment ce qu'ils avaient signé.

Avant d'entrer dans le détail, un constat terrain : la plupart des PME choisissent leur type de contrat par défaut. Soit parce que le commercial a poussé une formule, soit parce qu'ils ont reproduit ce qu'ils connaissaient. Résultat : des décalages parfois dramatiques entre attentes et réalité.

Le contrat au forfait : prévisibilité contre flexibilité

Le forfait, c'est le modèle le plus courant. Vous payez un montant fixe mensuel (généralement calculé par poste ou par utilisateur) et le prestataire s'engage sur un périmètre défini. Sur le papier, c'est rassurant. Dans la pratique, tout se joue dans la définition du périmètre.

Mon expérience : sur mes deux transitions d'infogérance, le premier contrat (catastrophique) était au forfait avec un périmètre flou de 3 pages. Le second (réussi) était aussi au forfait, mais avec 47 pages de spécifications techniques. La différence ? Prévisibilité totale vs. guerres de périmètre permanentes.

Avantages du forfait

  • Budget prévisible : vous savez exactement ce que vous payez chaque mois
  • Transfert de risque : les dépassements sont à la charge du prestataire (si bien cadré)
  • Simplicité comptable : une facture mensuelle, pas de surprise

Inconvénients du forfait

  • Rigidité : tout ce qui sort du périmètre est facturé en plus (parfois à des tarifs prohibitifs)
  • Négociation complexe : le cadrage initial demande du temps et des compétences
  • Sous-dimensionnement fréquent : le prestataire a intérêt à minimiser sa charge

Point clé

Le forfait fonctionne bien quand votre SI est stable et mature. Si vous êtes en pleine transformation digitale ou si votre parc évolue rapidement, vous allez multiplier les avenants.

Le contrat en régie : flexibilité contre imprévisibilité

En régie, vous achetez du temps. Le prestataire met à disposition des techniciens et vous payez à l'heure ou à la journée. C'est le modèle dominant dans les grands groupes, mais il reste minoritaire dans les PME. Et pour cause : sans suivi rigoureux, les budgets explosent.

Je me souviens d'un client en 2022 qui avait signé un contrat en régie « parce que c'était plus souple ». Six mois plus tard, sa facture mensuelle avait triplé sans qu'il comprenne pourquoi. Aucun reporting, aucune visibilité. La régie sans gouvernance, c'est un chèque en blanc.

Quand choisir la régie ?

  • Projets de transformation avec périmètre incertain
  • Besoins ponctuels d'expertise pointue non disponible en interne
  • Phase de cadrage avant passage au forfait
  • Complément d'équipe avec management interne fort

Attention

La régie pure pour du run IT quotidien, c'est rarement une bonne idée pour une PME. Vous n'avez pas les ressources internes pour piloter efficacement. Et les techniciens en régie n'ont aucun intérêt à optimiser leur temps.

Le contrat hybride : le meilleur des deux mondes ?

De plus en plus de prestataires proposent des contrats hybrides : une base au forfait pour le run récurrent (supervision, maintenance, helpdesk niveau 1) et une enveloppe de jours/hommes pour les projets et les imprévus. C'est souvent le modèle que je recommande aux PME de 50 à 200 postes.

Structure type d'un contrat hybride

  • 1 Forfait socle : supervision 24/7, maintenance préventive, helpdesk N1, sauvegardes
  • 2 Enveloppe projet : 50 à 100 jours/an pour évolutions, migrations, incidents majeurs
  • 3 Clause de report : jours non consommés reportables (partiellement) sur N+1
  • 4 Gouvernance mensuelle : comité de pilotage avec suivi budgétaire détaillé

(Je ne suis pas certain que ce modèle fonctionne pour toutes les structures, mais mon expérience montre qu'il couvre 80% des besoins des PME industrielles.)

Tableau comparatif : quel modèle pour quelle situation ?

Critère Forfait Régie Hybride
Prévisibilité budget ★★★ ★☆☆ ★★☆
Flexibilité ★☆☆ ★★★ ★★☆
Complexité pilotage Faible Élevée Moyenne
Adapté PME sans DSI Oui Non Sous conditions
Risque de dérive Moyen Élevé Faible

Les 5 pièges contractuels que j'ai vus (et revus)

Sur les 40+ missions de conseil que j'ai réalisées depuis 2021, certaines erreurs reviennent systématiquement. Et elles ne sont pas dans les grandes lignes du contrat, mais dans les détails que personne ne lit.

1 Le périmètre « standard du marché »

Formulation volontairement floue qui laisse au prestataire toute latitude d'interprétation. Exigez une annexe technique exhaustive avec liste des équipements, des logiciels couverts, et des actions incluses.

2 Les SLA sans pénalités

Un SLA de 4h sans pénalité, c'est un engagement moral, pas contractuel. Dans 9 cas sur 15 que j'ai audités, les pénalités étaient soit absentes, soit plafonnées à des montants ridicules.

3 La clause de réversibilité vide

« Le prestataire s'engage à faciliter la réversibilité ». Ça ne veut rien dire. Exigez un plan de réversibilité détaillé, un délai de préavis raisonnable, et un forfait maximal pour l'accompagnement de sortie.

4 L'indexation automatique sans plafond

Beaucoup de contrats prévoient une indexation annuelle « sur indice Syntec ». Sans plafond, vous pouvez vous retrouver avec +8% par an. Négociez un plafond à 3-4% ou une clause de renégociation au-delà.

5 Le tacite reconduction piège

Reconduction tacite de 3 ans avec préavis de résiliation de 6 mois. Si vous ratez la fenêtre, vous êtes coincé. Préférez une reconduction annuelle avec préavis de 3 mois maximum.

Ma recommandation selon votre profil

PME < 50 postes sans DSI

Optez pour un forfait tout inclus chez un prestataire régional. Vous n'avez pas les ressources pour piloter un modèle complexe. Acceptez de payer un peu plus pour la simplicité.

→ Budget indicatif : 80-150€/poste/mois

PME 50-200 postes avec référent IT

Le modèle hybride est votre meilleur compromis. Forfait pour le run, enveloppe projet pour les évolutions. Votre référent IT peut piloter la relation.

→ Budget indicatif : 50-100€/poste/mois + projets

ETI 200-500 postes avec DSI

Vous pouvez vous permettre un mix forfait + régie avec pilotage fin. Votre DSI a les compétences pour optimiser les coûts et challenger le prestataire.

→ Budget indicatif : 30-70€/poste/mois + variable

Structure en transformation

Commencez par de la régie encadrée pour le cadrage, puis basculez sur un forfait une fois le périmètre stabilisé. Budget projet à prévoir en sus.

→ Phase 1 : régie / Phase 2 : hybride

Le choix du type de contrat n'est pas une décision technique. C'est une décision stratégique qui engage votre entreprise pour 3 ans minimum. Ne la prenez pas à la légère, ne la déléguez pas au prestataire, et surtout : prenez le temps de lire ce que vous signez.

Si vous avez des doutes, faites-vous accompagner. Un audit de proposition par un tiers indépendant coûte entre 2 000 et 5 000€. C'est une fraction du coût d'un mauvais contrat.

Loïc Kervella

Loïc Kervella

Ex-DSI d'une PME industrielle bretonne (180 salariés, 4 sites), a vécu de l'intérieur 2 transitions d'infogérance : une catastrophique (2012-2014, grand compte parisien rigide) et une réussie (2016-2020, ESN régionale agile). A quitté son poste de DSI en 2021 après épuisement lié à la gestion de crise COVID + cyberattaque ransomware. Reconversion en consultant indépendant spécialisé dans l'accompagnement PME/ETI pour leurs choix d'externalisation IT.

Article mis à jour le

Sources et références

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