Vérifier les références d'un prestataire d'infogérance : méthode terrain

"On a d'excellentes références, je vous envoie la liste." Cette phrase, je l'ai entendue des dizaines de fois. Et dans la moitié des cas, ces références étaient soit obsolètes, soit complaisantes, soit carrément invérifiables. Voici comment faire le tri.

La plupart des dirigeants que j'accompagne font confiance aux références fournies par les prestataires. Grave erreur. Sur les 40+ dossiers que j'ai traités depuis 2021, j'estime que 60% des listes de références initiales contenaient au moins un client "vitrine" qui n'était plus satisfait depuis longtemps ou qui avait résilié.

Pourquoi les listes de références sont biaisées

Ce n'est pas que les prestataires mentent délibérément. Mais leur intérêt est de vous montrer le meilleur. Ils sélectionnent naturellement les clients les plus satisfaits, omettent les résiliations conflictuelles, et gardent des références datées de 5 ans alors que l'équipe et les process ont totalement changé.

Mon expérience montre que : dans 7 cas sur 10, quand je contacte directement une référence donnée par un prestataire, j'obtiens des informations significativement différentes de ce que le commercial avait laissé entendre. Pas forcément négatives, mais nuancées, avec des "oui mais" révélateurs.

Résultat : si vous vous contentez de cocher la case "références vérifiées" en appelant les deux ou trois contacts fournis, vous passez à côté de l'essentiel.

Ma méthode de vérification en 4 étapes

Étape 1 : Demander des références comparables

Ne vous contentez pas d'une liste générique. Exigez des références qui correspondent à votre profil : même taille d'entreprise, même secteur d'activité, même type de prestations. Un prestataire excellent sur du retail B2C peut être catastrophique sur de l'industrie avec ERP legacy.

Demandez au moins 3 références avec un contexte comparable au vôtre. Si le commercial ne peut pas en fournir, c'est un signal faible mais réel.

Étape 2 : Chercher vos propres références

C'est là que ça devient intéressant. Ne vous limitez pas aux contacts fournis. Utilisez LinkedIn pour identifier des DSI ou responsables IT qui ont travaillé avec ce prestataire. Cherchez des mentions dans la presse professionnelle. Consultez les avis clients sur des plateformes comme Sortlist ou La Fabrique du Net.

Astuce LinkedIn

Recherchez "ancien DSI + nom du prestataire" ou "ex-responsable IT + nom du prestataire". Les anciens clients sont souvent plus francs que les actuels, car ils n'ont plus d'enjeu relationnel à préserver.

Étape 3 : Poser les bonnes questions

Quand vous contactez une référence, évitez les questions fermées type "Êtes-vous satisfait ?". Posez des questions ouvertes qui obligent à développer et qui révèlent les zones grises.

Questions clés à poser aux références

  • 1. "Quand avez-vous eu un problème majeur avec eux, et comment l'ont-ils géré ?"
  • 2. "Si vous deviez recommencer, que négocieriez-vous différemment dans le contrat ?"
  • 3. "Comment se passe la communication au quotidien ? Avez-vous un interlocuteur stable ?"
  • 4. "Les délais d'intervention annoncés sont-ils respectés en pratique ?"
  • 5. "Y a-t-il eu des coûts supplémentaires non anticipés ? Lesquels ?"
  • 6. "Renouvelleriez-vous le contrat aux mêmes conditions ?"

La question qui tue : "Si vous aviez une note sur 10 à leur donner, ce serait combien ?" Suivie de : "Qu'est-ce qui manque pour arriver à 10 ?" Ces deux questions révèlent souvent plus que 30 minutes de discussion.

Étape 4 : Croiser les informations

Contactez au minimum 3 références différentes. Comparez les réponses. Si les trois parlent des mêmes problèmes (turnover des équipes, délais de réponse, communication), c'est probablement structurel. Si un seul est négatif sur un point, c'est peut-être contextuel.

Les signaux d'alerte à ne pas ignorer

Certains comportements du prestataire ou des références doivent vous alerter. Mon expérience montre que ces signaux sont rarement des coïncidences.

  • Références anciennes uniquement : si toutes les références datent de plus de 3 ans, demandez pourquoi. L'entreprise a peut-être changé de direction, de process ou d'équipes.
  • Refus de fournir des contacts directs : "On va demander à notre client s'il accepte" puis plus de nouvelles pendant 2 semaines. Suspect.
  • Références dans un seul secteur : si votre activité est différente, l'expérience n'est pas transférable.
  • Client trop enthousiaste : un contact qui ne trouve rien à redire est soit complaisant, soit sous contrat avec clause de non-dénigrement.
  • Turnover mentionné par plusieurs références : c'est un problème récurrent, pas un accident.

Signal que j'ai appris à détecter : quand une référence dit "au début c'était bien" puis change de ton. Cette trajectoire descendante (bonne phase d'onboarding, puis dégradation) est typique des prestataires qui investissent dans la conquête mais pas dans la fidélisation.

Que faire si les références sont insuffisantes

Parfois, malgré vos efforts, vous ne trouvez pas de références convaincantes. Trois options s'offrent à vous :

  1. Négocier une période d'essai : 3 mois de contrat réversible avec clause de sortie facilitée. C'est rare mais négociable, surtout avec des prestataires en conquête de marché.
  2. Demander un POC (Proof of Concept) : une prestation limitée sur un périmètre réduit pour tester la qualité réelle avant engagement.
  3. Élargir votre shortlist : si vous n'êtes pas convaincu par les références, ajoutez un ou deux concurrents à votre consultation.

Je ne suis pas certain que ce soit généralisable, mais dans mon expérience, un prestataire qui accepte une période de test ou un POC est généralement plus confiant dans sa capacité à délivrer. Celui qui refuse catégoriquement a peut-être quelque chose à cacher.

Mon conseil le plus contre-intuitif

Cherchez les échecs. Demandez au commercial : "Pouvez-vous me parler d'une mission qui n'a pas bien fonctionné et ce que vous en avez appris ?" Un prestataire mature saura répondre honnêtement. Celui qui prétend n'avoir jamais eu de problème ment ou manque de recul.

Et si vous arrivez à contacter un ancien client mécontent (via LinkedIn par exemple), écoutez-le attentivement. Son témoignage vaut souvent plus que dix références complaisantes. Pas parce qu'il a forcément raison sur tout, mais parce qu'il révèle les points de friction réels.

(Entre nous, les commerciaux IT détestent cette approche. Mais c'est précisément pour ça qu'elle est efficace. Elle force la transparence.)

Checklist finale avant décision

Vérification des références : checklist complète

  • Au moins 3 références comparables à votre contexte
  • Au moins 1 référence trouvée par vos propres moyens (LinkedIn, réseau)
  • Questions ouvertes posées (pas seulement "êtes-vous satisfait")
  • Date du contrat vérifiée (moins de 3 ans si possible)
  • Informations croisées entre plusieurs sources
  • Signaux d'alerte recherchés activement
  • Note sur 10 demandée avec justification des points manquants

Les références bien vérifiées ne garantissent pas un contrat réussi. Mais elles réduisent significativement le risque de mauvaise surprise. Sur les 15 contrats que j'ai accompagnés avec cette méthode de vérification rigoureuse, aucun n'a donné lieu à une résiliation conflictuelle dans les 2 premières années.

Loïc Kervella

Loïc Kervella

Ex-DSI d'une PME industrielle bretonne (180 salariés, 4 sites), a vécu de l'intérieur 2 transitions d'infogérance : une catastrophique (2012-2014, grand compte parisien rigide) et une réussie (2016-2020, ESN régionale agile). A quitté son poste de DSI en 2021 après épuisement lié à la gestion de crise COVID + cyberattaque ransomware. Reconversion en consultant indépendant spécialisé dans l'accompagnement PME/ETI pour leurs choix d'externalisation IT.

Article mis à jour le

Sources et références

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