Infogérance globale

L'infogérance globale, c'est confier l'intégralité de son système d'information à un prestataire unique. Sur le papier, la promesse est séduisante. Dans la réalité terrain, c'est plus compliqué.

Quand je parle d'infogérance globale avec des dirigeants de PME, je constate souvent une confusion. Beaucoup imaginent un simple contrat de maintenance élargi. La réalité terrain, c'est que l'infogérance globale implique un transfert de responsabilité quasi-total sur l'ensemble du périmètre IT : infrastructure, applications métier, support utilisateurs, sécurité, et parfois même la stratégie numérique.

Ce que recouvre vraiment l'infogérance globale

Sur les 23 contrats d'infogérance globale que j'ai audités depuis 2021, le périmètre type inclut :

  • Infrastructure complète : serveurs, réseau, stockage, postes de travail
  • Applications : ERP, CRM, messagerie, outils métier
  • Support utilisateurs : hotline N1/N2/N3, gestion des incidents
  • Sécurité : antivirus, pare-feu, sauvegardes, PRA/PCA
  • Gouvernance : comités de pilotage, reporting, évolutions

Mon observation terrain : dans 7 cas sur 10, le périmètre réellement transféré diffère significativement du périmètre contractuel. Soit le prestataire sous-estime la charge (et les SLA ne sont pas tenus), soit le client garde des "exceptions" non documentées qui créent des zones grises.

Les avantages réels (et leurs limites)

Je vais être direct : l'infogérance globale peut être une excellente solution. Mais pas pour tout le monde, et pas dans n'importe quelles conditions.

Ce qui fonctionne vraiment

L'interlocuteur unique. C'est probablement l'avantage le plus tangible. Plus de ping-pong entre fournisseurs quand un problème survient. Sur une mission récente (PME de 120 salariés, secteur agroalimentaire), le passage en infogérance globale a réduit le temps moyen de résolution des incidents de 4,2 heures à 1,8 heure. Mais attention : ce gain dépend entièrement de la qualité de la gouvernance mise en place.

La prévisibilité budgétaire. Un forfait mensuel, des coûts lissés. En théorie. En pratique, sur les 23 contrats audités, 18 incluaient des clauses d'exclusion qui ont généré des dépassements. Résultat : 3 entreprises sur 4 ont dépassé leur budget prévisionnel de 15 à 40%.

Conseil de pro

Exigez une liste exhaustive des exclusions AVANT de signer. Et faites chiffrer chaque exclusion potentielle en "unité d'œuvre". Vous aurez une vision réaliste du budget total.

Les risques que personne ne vous explique

Ce que les commerciaux ne disent jamais, c'est que l'infogérance globale crée une dépendance structurelle. Après 3 ans de contrat, vous avez perdu toute compétence interne. Vos équipes IT (si vous en aviez) sont parties ou reconverties. Votre documentation technique est chez le prestataire. Et si vous voulez changer ? Comptez 6 à 12 mois de transition et un budget de réversibilité qui peut atteindre 4 à 7 mois de forfait.

Je me souviens d'une ETI de 400 salariés qui a voulu résilier son contrat d'infogérance globale après 5 ans. Le prestataire a exigé 8 mois de préavis (contractuel) et 180 000 € de frais de réversibilité. L'entreprise a finalement renégocié un nouveau contrat de 3 ans. Captive.

Le risque de la boîte noire

Selon moi, le risque le plus sous-estimé est la perte de visibilité sur son propre SI. Quand tout est externalisé, vous dépendez entièrement du reporting du prestataire. Et ce reporting, il est rarement neutre. Sur mes 40+ missions d'accompagnement, j'ai constaté que 60% des rapports mensuels omettent les incidents "mineurs" non résolus dans les délais SLA.

Pour qui l'infogérance globale est-elle adaptée ?

Ça dépend vraiment de votre contexte, mais en général, l'infogérance globale fonctionne mieux pour :

Profils adaptés à l'infogérance globale

  • PME sans compétence IT interne ET sans volonté d'en développer
  • Entreprises avec SI standard (pas de legacy critique)
  • Organisations prêtes à investir dans la gouvernance (comités, suivi KPI)
  • Budget suffisant pour un prestataire de qualité (pas le moins-disant)

(Nuance importante : même si vous cochez toutes ces cases, l'infogérance globale n'est pas une garantie de succès. Le cadrage initial et la relation humaine avec le prestataire restent déterminants.)

Les alternatives à considérer

Je ne suis pas certain que l'infogérance globale soit toujours la meilleure option, mais... elle peut être pertinente si vous avez exploré les alternatives :

  • Infogérance partielle : externaliser uniquement l'infrastructure, garder le support en interne
  • Co-sourcing : équipe IT interne légère + prestataire pour les pics et l'expertise
  • Multi-prestataires : spécialistes par domaine avec un pilote interne

Mon expérience montre que le co-sourcing offre souvent le meilleur équilibre pour les PME de 50 à 200 salariés : vous gardez la maîtrise stratégique tout en bénéficiant d'expertise externe.

Loïc Kervella

Loïc Kervella

Ex-DSI d'une PME industrielle bretonne (180 salariés, 4 sites), a vécu de l'intérieur 2 transitions d'infogérance : une catastrophique (2012-2014, grand compte parisien rigide) et une réussie (2016-2020, ESN régionale agile). A quitté son poste de DSI en 2021 après épuisement lié à la gestion de crise COVID + cyberattaque ransomware. Reconversion en consultant indépendant spécialisé dans l'accompagnement PME/ETI pour leurs choix d'externalisation IT.

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Sources et références

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